L’IA peut-elle répondre à la souffrance au travail ?

 

L’intelligence artificielle (IA) peut tout ou presque, au point qu’il serait préférable qu’elle prenne les décisions à la place des dirigeants politiques d’un pays (selon une étude publiée en mars 2019, un Européen sur quatre y serait d’ailleurs favorable). Cette idée peut paraître étonnante, inquiétante ou bien-fondée selon la considération que l’on a de l’IA. Et pourtant ! Les avancées technologiques sont immenses, les champs d’application également, au point où la mission Villani (2017-2018) ait souhaité réfléchir à donner un sens à l’intelligence artificielle pour une stratégie nationale et européenne. D’ailleurs l’opinion française ne s’y trompe pas : 85% des Français pensent que l’IA va être une véritable révolution, au même titre qu’Internet, et ce à échéance de moins de 10 ans (80% le pensent). Si on se replace à l’échelle des organisations, à l’heure où un groupe français de protection sociale démontre qu’agir en faveur du capital humain, notamment en faveur de la santé et la qualité de vie au travail, permet aux entreprises de gagner jusqu’à 10 points supplémentaires de performance économique, une question m’interroge : l’IA peut-elle répondre à la souffrance au travail ? Tel sera donc l’objet de ce billet.

 

L’étude European Tech Insights 2019 de l’institution académique espagnole l’IE University s’occupe d’analyser l’impact politique, économique et social de la révolution technologique. L’European Tech Insights 2019 a évalué en janvier l’avis de 2.576 citoyens de 8 pays d’Europe (France, Allemagne, Irlande, Italie, Espagne, Portugal, Pays-Bas et Royaume-Uni) face à la quatrième révolution industrielle et à la vague de mutations technologiques. C’est cette étude publiée le 19/03/2019 qui met en évidence que 67 % des Européens sondés considèrent que la gestion des technologies est, avec le réchauffement climatique, le principal challenge auquel doit faire face l’UE à l’heure actuelle. Mais dans le contexte du Brexit et du débat sur la démocratie représentative en Europe, le désenchantement des citoyens à l’égard de la classe politique est tel qu’un Européen sur quatre serait ainsi favorable à ce qu’un dispositif d’intelligence artificielle prenne des décisions importantes sur des sujets ayant trait à l’administration de son pays. (En Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, ce pourcentage est même encore plus élevé : une personne interrogée sur trois avoue préférer que ce soit une machine, plutôt qu’une personne, qui tienne les rênes du pays !). Cette étude révèle par ailleurs, parfois de façon paradoxale, le niveau d’inquiétude de ces Européens face à l’IA :

  • 56% des Européens sont un peu ou très inquiets d’un avenir où les robots pourront effectuer la plupart du travail humain ;
  • 40 % pensent que la société pour laquelle ils travaillent disparaîtra au cours des 10 prochaines années si des changements n’interviennent pas rapidement
  • et 68 % des personnes interrogées se disent préoccupées par le fait que les gens sociabilisent plus par Internet qu’en personne à l’avenir.

 

Voici des chiffres qui interrogent quant à la problématique de la qualité de vie au travail. Faut-il par conséquent considérer l’intelligence artificielle comme une source de sérénité ou au contraire comme génératrice de peurs et d’inquiétudes voire de souffrances, en particulier vis-à-vis du travail ?

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Photo de rawpixel.com sur Pexels.com

 

Selon un sondage du CSA publié en janvier 2018, 85% des Français pensent que l’IA va être une véritable révolution, au même titre qu’Internet (80% pensent même que cette révolution aura lieu dans moins de 10 ans).

  • L’IA est perçue comme porteuse d’opportunités pour la vie quotidienne par 54% des Français (vs 26% comme menaçante et 20% ni l’un ni l’autre). Les domaines pour lesquels les développements de l’IA sont perçus comme « utiles » par les Français sont : la santé (70%), la conduite (69%), les tâches administratives (65%), la gestion de la maison (53%).
  • A l’inverse les Français n’attendent pas l’IA dans leur travail (53% estiment qu’elle ne sera pas utile), ce qui est à mettre en perspective avec les 64% des sondés qui considèrent que l’IA constitue plutôt une menace pour l’emploi.
  • De la même façon, la très grande majorité des Français sondés estime que les développements de l’IA ne sont pas utiles dans des sphères privées comme leurs loisirs ou leurs relations aux autres (71% et 85% des sondés jugent l’IA pas utile dans ces domaines respectifs).

 

Une fois encore, les avis sont contradictoires, en particulier au regard du monde professionnel et de la souffrance au travail : si l’intelligence artificielle est une véritable aide au quotidien, notamment du point de vue de la facilitation de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle (c’est le principe de l’assistant personnel qui s’occupe des tâches fatigantes ou fastidieuses (les tâches administratives, la gestion de la maison, la conduite) pour permettre à chacun de se consacrer à ce qui est plus noble ou forte valeur ajoutée (les relations aux autres par exemple), comment se fait-il que cette logique de soulagement ne puisse être acceptable dans la vie professionnelle ?

 

Un élément de réponse serait de considérer que toutes les activités professionnelles contiennent une très grande part de tâches administratives et routinières (voire fastidieuses), ce qui ferait craindre à chacun une perte de son emploi si l’IA venait à s’en charger (les sondages sont à cet égard très clairs). Par l’expérience de chacun, comment ne pas convenir que le poids de la bureaucratie est très lourd, en particulier dans la société française ? Le sociologie Michel Crozier dénonçait d’ailleurs à la fin des années 1950 ce modèle rigide bureaucratique qu’il affirmait être à l’origine d’une société bloquée (il a même écrit en 1970 un livre ayant ce titre).

 

Reconnaissons que cette part de réalité, y compris au niveau des risques psychosociaux que l’IA peut engendrer, est reconnue par les experts scientifiques du sujet depuis longtemps mais elle n’est pas irrémédiable. Le rapport de France Stratégie sur cette question est à cet égard très clair :

« L’intelligence artificielle promet d’exécuter des tâches compliquées mais répétitives ou à forte régularité, ce qui affectera logiquement les métiers incluant ces tâches. Mais cette transformation n’est pas radicalement différente de la numérisation de l’économie, phénomène déjà ancien auquel se sont adaptés – avec plus ou moins de bonheur – la banque, les transports ou la santé, en modifiant le contenu des emplois, en formant les travailleurs, en développant de nouvelles activités. La montée en compétence des salariés en réponse à la robotisation est ancienne, notamment dans l’industrie, et peut être une garantie d’emploi si elle assure la croissance de l’activité de l’entreprise et du secteur. […]

Certes, le risque existe d’une perte d’autonomie du salarié, soumis à un contrôle automatisé de plus en plus insidieux, avec les risques psychosociaux associés. […]

Aucun de ces défis n’est totalement nouveau, et l’amélioration des conditions de travail est une hypothèse tout aussi crédible que l’aliénation et l’intensification du travail. Tout dépend de la manière dont les gains de productivité permis par l’intelligence artificielle sont partagés ou des choix opérés dans l’organisation des tâches et des équipes ».

(cf. Salima Benhamou et Lionel Janin (2018), Intelligence Artificielle et Travail, rapport France Stratégie, mars, 90 p., p. 8)

 

C’est d’ailleurs l’analyse de trois secteurs d’activité en particulier, la banque de détail, les transports et la santé, qui fait dire aux experts de France Stratégie qu’il faut se préparer à l’intelligence artificielle, non parce que l’avènement de la technologie est inéluctable, mais parce que dans notre société, les possibilités technologiques ouvrent des perspectives nouvelles pour les individus, les organisations, les structures.

  • Rappelons en effet que l’intelligence artificielle fait partie intégrante de la transition numérique en cours. Elle s’inscrit dès lors dans le contexte d’un certain niveau de numérisation mais elle en dépend aussi.
  • En outre, l’IA permet de réaliser des tâches autrefois impossibles à effectuer, car trop fastidieuses ou économiquement non rentables.
  • Elle permet également l’automatisation de tâches réalisées jusqu’ici par l’humain tout comme l’assistance à la prise de décision, ce qui induit une transformation des tâches par l’IA.
  • Enfin, elle engendre une montée en compétences des travailleurs, principalement au niveau des compétences sociales nécessaires à la gestion des interactions compliquées avec les clients, les patients ou les usagers (l’IA se chargeant de gérer les tâches élémentaires) et potentiellement une intensification du travail, dès lors que les cas simples et routiniers, autrefois majoritaires, sont remplacés par des cas mobilisant davantage l’attention.

 

L’IA peut donc avoir des incidences positives ou négatives sur les situations de travail de chacun et donc leur souffrance, ou leur bien-être potentiel(le). Mais en cas d’incidences négatives, à quels maux faisons-nous référence : les douleurs ou la souffrance ?

 

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Photo de Matan Segev sur Pexels.com

 

Quand il est question de soulager le travailleur de tâches répétitives ou fastidieuses ou des troubles musculo-squelettiques (TMS) par l’utilisation de la robotique ou plus largement de l’intelligence artificielle, quand il est question de l’aider à prendre une décision par un traitement automatisé d’une masse colossale d’informations et de données, quand des chatbots permettent des réponses aux clients 24/7 là où les effectifs d’un service ne suffiraient pas, il s’agit bien de traiter les maux du travailleur ou du moins de penser la complémentarité entre l’homme et la machine en ce sens (une présentation détaillée de l’IA et de l’évolution de son contexte est disponible dans un Rapport du Sénat de 2017). D’ailleurs il serait faux de croire que l’automatisation est toujours souhaitable, le penser reviendrait à accréditer le constat selon lequel le monde du travail n’est encore que peu préparé à l’Intelligence artificielle (Rapport Villani, 2018, op. cit., pp 100-121). Par contre, il semble que ce ne soit pas tant la souffrance mais la douleur que l’IA cherche à soulager (nous reviendrons sur cette distinction dans quelques instants).

 

Selon la définition officielle de l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP), « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes ». La douleur repose donc avant tout sur le ressenti du patient, ce qui la rend difficile à quantifier et à qualifier, d’autant qu’elle n’est pas systématiquement liée à une lésion. On peut donc s’intéresser à ses conséquences pour voir à quel niveau agir :

  • au niveau physique : le sommeil est affecté et une augmentation de la sensibilité à la douleur est souvent constatée;
  • au niveau somatique : une perte d’appétit et une perte de poids sont généralement visibles ;
  • au niveau psychologique, la douleur se voit par la baisse de moral, l’anxiété, la qualité de vie dégradée voire par une dépression détectée ;
  • au niveau social : la personne souffrante s’éloigne des autres par incompréhension ou regret de leur bonne santé. Les loisirs sont également touchés ;
  • au niveau spirituel : les interrogations sur le sens de la vie, la raison d’être de chacun peuvent également être invoqués. Il convient cependant de faire attention aux croyances de chacun car selon les religions, différentes connotations peuvent être associées à la douleur et à la souffrance.

 

Utiliser l’intelligence artificielle pour traiter des douleurs musculaires ou articulaires, des migraines, le stress voire même des troubles du sommeil liés au travail, revient donc à s’occuper avant tout des douleurs. L’INSERM estime que la douleur serait à l’origine de près de deux tiers des consultations médicales, ce qui expliquerait le nombre important de start-up qui s’occupent de traiter ces différents maux. En février 2019 BPI France a identifié 104 startups créées depuis 2010 utilisant des technologies d’intelligence artificielle (systèmes experts, machine learning, deep learning) à travers 8 segments marchés principaux : l’aide au diagnostic et l’imagerie, les chatbots médicaux, l’insurtech, les objets connectés et le monitoring, l’analyse du comportement et la prévention, le handicap, la gestion du parcours patient et hospitalier, la recherche biologique et pharmaceutique. Il faut dire que la Direction Générale des Entreprises (DGE) (Ministère de l’Economie et des Finances) estime le potentiel de ce marché entre 2,2 et 3 milliards d’euros par an avec 1,5 milliard d’euros dédiés aux logiciels de la santé.

 

Pourtant la douleur et la souffrance ne sont pas synonymes. Le sens commun relègue habituellement la douleur au domaine physique et la souffrance à la sphère psychique alors que la distinction entre douleur et souffrance est plus complexe. Le philosophe Paul Ricœur clarifie ainsi cette question :

« On s’accordera donc pour réserver le terme de douleur à des affects ressentis comme localisés dans des organes particuliers du corps ou dans le corps tout entier, et le terme souffrance à des affects ouverts sur la réflexivité, le langage, le rapport à soi, le rapport à autrui, le rapport au sens, au questionnement » (Paul Ricoeur (1994), « La souffrance n’est pas la douleur », Autrement, vol. 142, p. 59).

 

Si Paul Ricœur reconnaît que cette distinction est plus théorique que pratique puisque les deux types d’expérience se chevauchent habituellement, cela permet d’éclairer autrement le rapport de l’intelligence artificielle aux maux du travail. A l’heure actuelle, même si l’IA s’intéresse au langage et interroge les communautés scientifiques et professionnelles sur les questions d’éthique, de valeurs communes, de droit, etc.), elle ne répond pas encore à la question du sens, du rapport à Soi et à l’Autre.

Cela est d’autant plus juste que selon Paul Ricœur (op. cit.) « souffrir » se déclinerait en trois axes :

  • l’axe soi-autrui, ce qui interroge sur l’altération du rapport à soi et à autrui (cela renvoie à la question de l’aliénation) ;
  • l’axe de l’agir-pâtir, ce qui concerne la destruction du pouvoir d’agir du sujet et l’atteinte à son intégrité (cela renvoie à l’expérience de l’impuissance) ;
  • et l’axe du sens : c’est une question fondamentale en philosophie, en médecine, en spiritualité et dans bien d’autres disciplines, y compris en management.

 

Cette approche du « souffrir » remet par conséquent en question le dualisme corps / esprit, et nous invite à considérer la personne dans sa globalité, pas uniquement au niveau des douleurs mais aussi au niveau de la souffrance, ce mot étant entendu ici dans son acception philosophique et non dans sa conception trop souvent hélas galvaudée. Cela éclaire également d’une nouvelle façon l’apport de l’intelligence artificielle aux traitements de ces maux : l’IA peut beaucoup mais non tout, y compris dans le monde du travail car ces trois axes du souffrir dessinés par Paul Ricoeur montrent combien les promesses de l’IA et des objets connectés sont encore loin de répondre à toutes les sources de la souffrance. Certes, l’intelligence artificielle peut suppléer à certaines tâches voire même à certains emplois mais elle ne peut pas tout. Prenons quelques exemples :

  • L’intelligence artificielle ne peut pas répondre à cet état de mal-être du travailleur qui craint de perdre son emploi parce qu’il pense ne pas pouvoir évoluer du fait de son manque de compétences (quand bien même des formations lui soient proposées).
  • L’intelligence artificielle ne peut pas non plus répondre à cette indifférence douloureuse du travailleur qui est en burnout du fait de l’intensification trop importante de son activité due à des pratiques managériales inadaptées voire défaillantes.
  • L’intelligence artificielle ne peut pas répondre enfin à ce manque de sens, à cette absence de sens que chacun peut connaître quand il est confronté à une grave difficulté au travail. (Je renvoie d’ailleurs ici le lecteur sur un billet que j’avais écrit sur les incidences managériales positives du cancer traité en entreprise).

Bref, comme le reconnaissent tous les rapports institutionnels sur l’intelligence artificielle que j’ai présentés, l’humain a encore sa place au travail du fait de l’IA. Il est même davantage nécessaire avec le développement de l’intelligence artificielle, ce serait-ce que parce la bienveillance, source de résilience et donc de prise en charge de la souffrance, n’est pas dans le champ de compétences de l’intelligence artificielle. Du moins pas encore !…

 

Pour conclure, je souhaiterai relativiser cette vision développée par certains auteurs au succès planétaire tels Yuval Noah Harari selon laquelle l’intelligence artificielle sera bientôt omnipotente. Dans ses derniers ouvrages (Homo Deus : Une brève histoire de l’avenir, 2017, Albin Michel et 21 leçons pour le XXIème siècle, 2018, Albin Michel), cet historien est convaincu que les progrès fulgurants de la science, de la médecine et des technologies semblent ne plus laisser de place au doute, au hasard, à l’imprévu. Ils pourraient même laisser à penser à l’avènement du dataïsme, la religion des data. Autrement dit, nous serions à l’aube de la toute-puissance des systèmes de gestion de données qui permettrait de considérer que les performances des systèmes informatiques, et plus globalement l’intelligence artificielle, sont définitivement meilleures que celle des humains, d’où l’éventuelle fin de règne de l’Homo Sapiens.

Pour ma part, je préfère croire que l’Homme est capable de s’adapter et que malgré ses imperfections, il demeure et restera supérieur à la machine, ne serait-ce que parce qu’il en est le concepteur ! Enfin, en tant que spécialiste depuis plus de 20 ans du management des ressources humaines et en particulier des questions de bien-être, et donc des souffrances, au travail, je crois que la bienveillance si nécessaire à notre société, en particulier dans le monde du travail, restera l’apanage de l’Homme. Pour s’en convaincre, je vous incite à lire mon précédent billet sur les toxic handler ou « absorbeurs de souffrance », ces sauveurs de l’organisation que Gilles Teneau et Géraldine Lemoine préfèrent désormais appeler générateurs de bienveillance (cf. Gilles Teneau et Géraldine Lemoine (2019), Toxic Handlers. Les générateurs de bienveillance en entreprise, Odile Jacob).

Ces deux visions sont diamétralement opposées, ce qui est normal parce que tout dépend du sens et des valeurs de chacun. Par contre elles se rejoignent sur la nécessité de toujours continuer à rester informés sur l’évolution de l’intelligence artificielle : elle aura le sens que l’on voudra lui donner, la mission Villani et France Stratégie l’ont très justement rappelé.

2 commentaires sur “L’IA peut-elle répondre à la souffrance au travail ?

  1. […] D’autres fois, j’approfondis ces nouvelles tendances pour voir leurs incidences au niveau des risques psychosociaux : c’était par exemple le cas avec cet article sur l’intelligence artificielle où je cherchais à savoir si l’IA pouvait répondre aux situations de souffrance au travail qu’elle a contribué à générer? […]

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