La bienveillance managériale: oui! mais…

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La bienveillance managériale devient à la mode. Elle est désormais l’objet de nombreux livres et un module de formation universitaire vient même d’être créé. De la même façon, certains DRH de grands groupes internationaux n’hésitent plus à en faire le socle de leur nouvelle approche managériale. Par exemple chez Casino c’est un programme interne de sensibilisation au management bienveillant qui est déployé depuis deux ans auprès de 1 000 managers issus des différentes enseignes du groupe. Son objectif ? Développer la motivation pour lutter contre le stress des collaborateurs, dans un contexte économique exigeant, en privilégiant un exercice bienveillant de la responsabilité managériale.

Ces démarches font plaisir à constater dans la mesure où je partage depuis quelques années cette conviction que la bienveillance managériale est nécessaire dans ces périodes troublées où la souffrance au travail est devenue légion. C’est d’ailleurs ce constat qui m’a conduite à proposer cette entrée thématique dans le « Dictionnaire des risques psychosociaux » paru en 2014 (dont je reprends les principaux éléments ci-après). Mais la promotion de tels comportements soulève également plusieurs interrogations au niveau managérial qui peuvent d’ailleurs être ravivées selon les domaines d’expertise initiale des promoteurs de ce concept plus ou moins initiés au management des ressources humaines.

Promouvoir la bienveillance managériale pose en effet la question de connaître sa définition et ses conséquences managériales. S’il s’agit de la bienveillance dite altruiste dont il convient de faire la promotion, ayons en tête qu’elle s’appuie sur le comportement orienté vers le désir de faire du bien à autrui, sans pour autant qu’existe une quelconque motivation égocentrique ou une simple demande du supposé bénéficiaire. Cette bienveillance fait donc référence à des gestes d’assistance volontaires qui se posent au-delà des considérations contractuelles dans le seul but d’assurer le bien-être de l’autre partie, sans en attendre des bénéfices futurs. Dans ce cas, la prescription managériale de tels comportements en entreprise devient difficile, même s’il s’agit d’une finalité souhaitable, et la réserver aux seuls managers pose question. Devons-nous en effet être manager pour aider notre prochain, quelque soit sa position hiérarchique d’ailleurs?

 

S’il est par contre question de faire la promotion de la bienveillance mutuelle, c’est beaucoup plus accessible qu’il n’y paraît dans la mesure où elle se manifeste par la volonté de s’occuper du bien-être de l’autre partie dans le but d’assurer les bénéfices conjoints. Un manager ou un collaborateur qui agit selon un comportement de bienveillance mutuelle cherche donc à assurer la satisfaction de son collègue pour renforcer la fidélité de ce dernier. Mais n’est-ce pas la finalité de toute pratique managériale? Convenons toutefois que vouloir promouvoir de tels comportements ne facilite pas pour autant l’élaboration des  pratiques managériales qui en découlent (d’où la nécessité d’une certaine expertise en la matière).

Quoi qu’il en soit, sur le plan du management des ressources humaines, la bienveillance permet en effet au manager qui la pratique de mettre en place de la confiance avec l’ensemble de son personnel, de faire adhérer la majorité, de développer leur capacité à aider les autres et à se projeter dans l’avenir et faire en sorte que les collaborateurs du dirigeant sentent que ce qu’il leur dit est la vérité. La bienveillance, c’est aussi ne conserver la critique que si elle est à bon escient et c’est construire des relations et faire en sorte que les collaborateurs tirent du plaisir et de la satisfaction de leur travail. Cette définition de la bienveillance devient alors également intéressante pour la responsabilité sociale des organisations car elle est compatible avec des critères de rentabilité. Certains auteurs défendent en effet l’idée qu’un tel mode de management plus humaniste est conciliable avec les performances économiques et financières des organisations : non seulement elle permet de redonner du sens aux approches de management des ressources humaines mais elle permet également de mieux agir du point de vue organisationnel mais aussi individuel.

Tout manager a donc intérêt à se préoccuper de développer des pratiques de bienveillance managériale pour contribuer au bien-être et à la qualité de vie au travail de ses collaborateurs : chaque salarié et l’organisation en elle-même s’y retrouveront. En ce sens, toute initiative visant à la promotion de cette bienveillance managériale est par conséquent la bienvenue.

 

 

Pour aller plus loin, cf. Cappelletti L, Khalla S., Noguera F., Scouarnec A., Voynnet-Fourboul C., (2010), Toward a new trend of managing people through benevolence?, Revue Management & Avenir, Vol. 6, n°36, pp. 263-283.

 

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